Voici la belle carte de voeux qui m'est apparue sur le site de l' Olympique de Marseille le 1er janvier.
L'actu olympienne est tellement riche en ce début d'année que la carte a hélas déjà disparu...
Voici la belle carte de voeux qui m'est apparue sur le site de l' Olympique de Marseille le 1er janvier.
L'actu olympienne est tellement riche en ce début d'année que la carte a hélas déjà disparu...
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J'apprends avec stupeur sur Rue89 que Radio
Gazelle, l'une des radios associatives les plus vivantes de Marseille, est menacée d'être rayée de la carte
par le CSA ! Riche de 40.000 auditeurs par jour, Radio Gazelle est depuis 1981 le reflet de la mosaïque
marseillaise. Elle donne la parole et ouvre son antenne à 23 des communautés qui à Marseille, cohabitent,
travaillent ensemble, se mélangent, se découvrent ou s'opposent parfois, fraternisent le plus souvent.
Il faut sauver Radio Gazelle !
Refusons que la plus ancienne radio libre de Marseille soit remplacée par une radio commerciale parisienne !
Faites entendre votre voix en signant une pétition sur le site de la radio : Radio Gazelle
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Un peu de lecture pour les fêtes...
Marseille comme décor, et des amoureux comme personnages...
BESAME MUCHO
Pas loin de douze heures que nous nous tenons serrés Olga et moi.
Les lèvres collées, nez contre nez et cils à fleur de joues. Douze heures ! Autant dire une vie, une éternité pour un gars qui rafle toujours la mise sans délai. Au quartier, on m’a baptisé feu follet.
Douze heures, sans prétention c’est un exploit. Je n’en suis pas peu fier mais bon, Olga me dit qu’il ne faut pas se consumer.
De toutes façons, nous n’avons plus le choix maintenant que l’aube rougeoie.
Depuis quelques mois, Marseille rafole de ces nuits où l’on peut inscrire entre parenthèses tout ce qui exaspère, tout ce qui lasse et gonfle les paupières, pour se lancer à corps tendu vers le paradis des paris. Marseille aime se jauger et rien ne vaut un bon grand défi de temps à autre pour se rappeler que malgré tout, ça peut valoir le coup de continuer à jouer.
Hier au soleil couchant, le challenge n’a pas attiré tout de suite beaucoup de curieux mais nous les candidats, nous nous sommes rués sur place dès l’ouverture des guichets. Fallait simplement être bien habillé. Propre et bien coiffé. Si possible en costume de bal et parfumé. A cause de la télé qui retransmet en direct. Grand écran avec duplex pour les câblés, s’il vous plaît.
Lorsque “ Stranger in the night “ a donné le top-départ, nous étions bien une centaine de couples amassés sous le plafond blanc des anciens abattoirs. Agés pour la plupart. Plus vieux qu’Olga et moi. La trentaine bien frappée. La dégaine triste et crispée. Timides et blafards malgré les tenues à la mode, les paillettes et le mascara.
Autour de la piste ouverte sur des chambres froides, une passerelle en bois verni. Une espèce de chemin de ronde où déambule un colosse au crâne rasé. Sans doute le boss, épaulé d’une ribambelle de vigiles gominés, parkas jaunes-fluo sur le dos, fanions rouges et jumelles à la main. Juché sur un podium avec sono, à côté du mini-studio télé, un bureau d’écolier où trônent les trois jurés du Premier Marathon du Baiser. Cigarette au bec, ils agrippent leurs gros doigts velus à la cagnotte promise aux vainqueurs, une tirelire en forme d’aquarium qui laisse deviner la monnaie.
C’est ce soir que nous avons fait connaissance, Olga et moi.
Chacun est descendu de sa rue attiré par les liasses. A l’écart de la foule, je l’ai tout de suite repérée. La brunette était déposée comme un pot de tulipes artificielles au beau milieu d’un hall de foire. Mi-Pierrot lunaire, mi-Betty Boop à sa première boum. En attente et tétanisée. Tapie dans le silence compact des candidats au pactole. Tassée sur elle-même telle une autiste contre sa paroi transparente. Avec pourtant un zeste discret de gourmandise et de ruse accroché aux fossettes. Avec aussi des dents du bonheur qui m’ont donné envie de lui proposer le marché.
- “ A la recherche du cavalier peut-être, la mistinguett ? “
- “ Bien joué gàri, bien joué ! “.
Olga m’a épluché des prunelles, en les promenant partout sur mon spectre de crooner des ruelles. Elle s’est arrêtée à ma bouche, a avancé ses doigts jusqu’à mes lèvres et m’a glissé en regardant ses boots vernis :
- “ Un bisou à Olga, vite, un bisou pour essayer ! “.
Pas désagréable ce premier mélange. Chair de poule au creux des cuisses, j’ai rougi. Elle a éclaté de rire, m’a dit “ tope là ! “ et nous sommes allés nous inscrire. Dans la file d’attente, elle m’a un peu parlé de sa vie.
Ma cavalière, le dernier spectacle payant qu’elle a donné, c’était à l’hypermarché inauguré le mois dernier. Une semaine de festivités au programme d’Olga, recrutée comme danseuse de samba pour animer les rayons en tête de banda. Collants lycra, string tacheté, confettis à poignées. Hanches qui roulent, sourires confits et très vite, bouche qui boude à cause des sifflets obscènes le long des allées.
Cent cinquante francs la journée pour déambuler en talons-aiguille devant les caisses claires entre rangées de pâtes, alignements de barils, étals de légumes, armoires à surgelés. Deux petits billets pour transpirer sous la perruque frisée et exciter en douceur le client.
Elle a embauché le lundi la danseuse. Le lendemain-midi, une main trop insistante sur ses fesses et elle disjonctait. Coup de genou sous la ceinture, coup de coude en pleine nuque, sans un mot, sans un cri. Du propre et du concis. Le manuel irrespectueux a fini ses courses en sang à l’infirmerie du magasin.
Olga, elle est comme moi. Bavarde et fière.
Les rencontres, elle adore. Les apprentissages, elle ne refuse pas. Les stages et les entretiens d’embauche pleins de vide, elle ne supporte plus. Olga et moi, on veut du concret. Attention, pas coûte que coûte. La monnaie on la prend volontiers mais ce qu’on attend surtout tient en un morceau de chanson : “ ... du respect pour chaque jour ... “. A première vue pas compliqué. Et pourtant. Les doigts qui déchirent les cols blancs méprisants et les voix qui s’explosent, on les collectionne depuis qu’on a quitté l’école. Alors forcément, on passe de place en place comme on change de chaussettes et les patrons se donnent le mot : - “ Merci mademoiselle. Désolé jeune homme. Revenez le mois prochain “. Circulez. Liste rouge. Délit de grande gueule.
Au moins aujourd’hui, ça risque pas de nous arriver.
Ils ont réussi à nous faire taire car un seul mot prononcé signifie non- respect du règlement. Un écart un seul et c’est la mise hors jeu. Illico presto.
Du reste, les choufs aux fanions rouges ont déjà commencé à expulser des concurrents trop bavards. Sans deuxième chance ni remboursement de la mise de départ. On est ici pour s’embrasser, ni plus ni moins.
- “ De la furade, rien que de la furade mesdames, mesdemoiselles, messieurs ! Je ne veux voir qu’une seule bouche ! “. Le boss a élégamment annoncé la couleur en ouvrant le bal.
Tout à l’heure, un couple de gamins a été pris en flagrant délit de parole. Le minot semblait tellement ému par le baiser qu’il partageait avec sa princesse qu’il a commencé à la nommer à voix douce, pour savourer les trois syllabes de son prénom : “ Barbara, Barbara, Barbara...”
Le jury n’en a pas toléré d’avantage. Une annonce au micro a déchiré le refrain qui s’échappait de la sono “ ... c’est de vivre au jour le jour, le temps c’est de l’amour ”.
Poursuivis par les caméras, les vigiles ont vite raccompagné les fraudeurs bouleversés dans la zone no baiser. Sans un mot. Du coin de l’oeil, j’ai suivi les bannis pris en gros plan sur l’écran géant. Ils se serraient si fort les mains que le blanc de leurs phalanges luisait comme de petits éclairs phosphorescents éparpillés sur les murs des anciens abattoirs.
Olga et moi, on aimerait bien se le raconter ce spectacle, se le commenter épisode par épisode. Pour se distraire un peu du voyage au long cours de nos papilles. On se moquerait même volontiers des membres du jury attablés à leur petit bureau. Tous aussi sexy que des gorets métissés avec des sauterelles. Mais bon, comme on vise la gagne, motus et bouche cousue.
Il n’est pas interdit de danser. C’est même recommandé pour ne pas finir fossilisé. Au début, je n’ai pas osé mais Olga m’a vite convaincu de sa petite langue pointue. Car c’est sa langue qui imprime le rythme. Souple et léger sur les slows et les solos de piano. Nerveux et saccadé sur les salsas et les sursauts d’archets. Ample et profond lorsque le saxo enroule ses phrases et promène ses voyelles jusqu’aux profondeurs de la salle, là où sont parqués les spectateurs. Les paupières mi-closes, je me fonds dans le ressac sucré des lèvres d’Olga et me glisse avec délice dans toutes ses secousses.
Lorsqu’ elle n’est plus inspirée ou lorsque je la sens lasse, c’est moi qui lance le tempo. Je m’efforce de ne pas trop la brusquer. Ma langue roule en douceur sur les sillons soyeux de ses lèvres et je lui caresse le dos du bout des ongles. Les hanches d’Olga accompagnent le rythme de ma bouche, ses épaules et ses seins enchaînent, je sens la malice et le désir plisser la courbe ferme de ses pommettes. Nous titubons ensemble jusqu’au bord du fou rire puis nous nous ressaisissons. In extremis.
Il y a cinq minutes, nous avons frôlé le clash avec un couple vêtu de cuir doré façon Far West.
La tête commençait à me tourner, embrumée dans les tièdes alluvions de notre mélange. Olga goûtait ma langue comme une Chupa Chups, mes doigts plongeaient déjà vers le duvet blond de ses fesses, enfin, du creux de ses reins. Du coup, je n’ai plus contrôlé mes foulées et nous sommes allés heurter de plein fouet les crânes crispés de deux jeunes voisins concentrés sur leur roulée. Spontanément, la squaw a hurlé un “ merde ! ” remarquable, sanctionné sur le champ par le jury. Son compagnon a sorti un cran d’arrêt quinze centimètres de sa veste à franges et s’est rué sur notre mêlée. Sans perdre le contact avec la bouche d’Olga, j’ai stoppé le trappeur d’une manchette et j’ai réussi à le désarmer. Les vigiles aux fanions vermillon ont pris le relais. La sono a diffusé des bravos préenregistrés. Comme à la télé. A l’intérieur des deux arcs de mes mâchoires, la langue d’Olga applaudissait pour de vrai.
Pour accompagner l’aurore qui pointe aux fenêtres, le boss fait couper les projecteurs et décide de pimenter le show. La sono lâche quelques valses rondement déroulées, histoire de provoquer langueur et déséquilibre chez les marathoniens épuisés. Aussi sec, c’est l’hécatombe sous une pluie de zooms et de plans serrés. Les couples tournent et se télescopent, les bouches se dessoudent, les fanions rouges commencent à pleuvoir sur les grappes molles de duos asphyxiés et dégoûtés.
Nous ne tombons pas dans le piège, Olga et moi. La valse, pour nous, c’est du chinois, alors nous restons figés au pied du chemin de ronde, à l’écart des carambolages meurtriers, maîtres de nos corps, plus que jamais en course pour le haut du podium.
La majorité du troupeau s’est échouée à l’écart de la piste, cueillie en plein vol par Strauss et compagnie. Chemises auréolées, lèvres violettes et cernes beiges, les disqualifiés errent en titubant contre les pilotis de la passerelle. Ils ressemblent à des toupies, à des papillons épinglés aux portes blanches des chambres froides.
Des centaines de spectateurs furieux jurent et exigent du hard rock “ pour que ça saigne ! “. D’autres, moins nombreux, lancent leurs pouces vers le bas en hurlant “ tuez-les ! tuez-les ! “. Le téléreporter en transes ne sait plus où donner du “ houlala ! “. Au coeur de la petite meute encore en course, Olga reste de glace et me serre contre son ventre. Confiant, je lui caresse la nuque et m’attarde lentement sur chacune de ses dents.
Dans la foulée, la sono calme le jeu et lance une série de slows et de ballades mitonnés à l’américaine : “ Tenderness... Avalon... They dance alone... Look me in the heart... “. La petite dizaine de tandems rescapés se replie dare dare vers le centre de la scène. Les câblés retrouvent des plans larges. Le public marque une pause et file se tasser au comptoir de la buvette. Olga me fait comprendre d’un clin d’oeil qu’elle ne refuserait pas un petit chocolat.
Soudain, une cascade de claquements secs secoue les murs. Les vitres explosent les unes après les autres. Un vent glacial s’engouffre avec fureur dans le bâtiment. Instantanément nous frissonnons, Olga et moi.
Les fauteurs de trouble sont des éliminés du marathon, de retour sur les lieux du rêve fracassé. Ils désignent le podium aux amis et aux frères qu’ils ont ramenés du quartier. Boules de pétanque en main, ils sont en train de tout gâcher.
- “ A l’aide ! C’est un attentat ! C’est un scandale ! “ hurlent les trois jurés tapissés de sueur rougeâtre des joues aux groins, cramponnés au pactole.
- “ C’est inoui, c’est du jamais vu, c’est fou ! “ ose en direct le reporter. Les vigiles s’agrippent à leurs jumelles, à l’affût d’un ènième accroc au règlement, d’un ènième carton rouge.
- “ Tout le monde dehors, ouste, on évacue ! “ Les haut-parleurs crachent leur dernier message avant d’imploser comme des téléviseurs et de s’embraser. A peine le temps d’esquiver une rofritsch et j’aperçois le boss, déjà raide immobile, suspendu à un crochet de boucher, un fanion entre les mâchoires. Deux gardiens zélés qui tentaient de le protéger marinent au beau milieu de petits tas de sciure ensanglantée.
Surtout ne pas faiblir, ne pas se déconcentrer m’ordonne Olga en fredonnant des airs de jazz et de rumba. D’un swing de langue, je lui fais comprendre en souriant que nous sommes le seul couple encore en course et que nous allons bientôt nous offrir enfin du bon temps. Les orbites entrouvertes sur des globes révulsés, elle m’entraîne vers le podium en flammes, me désigne l’aquarium et me happe hors piste.
A la sortie des abattoirs, j’ai senti le mistral s’engouffrer entre mes céramiques puis me tournoyer en rafales autour de la luette. Les rayons du levant m’ont vite ébloui et une boule de fer m’a stoppé net face à la rade. Impact infect sous les narines. Je me suis écroulé sur la terre dure en appelant au secours. Olga avait disparu parmi les embruns déchaînés.
Ensuite, Marseille est devenue toute noire. Je ne me souviens plus du moindre micron de lumière sur la ville.
Je sais seulement qu’un clocher au loin a commencé à sonner le tocsin et qu’au fond de ma bouche, “ Besame mucho “ patinait comme un poulpe enragué.
Eric SCHULTHESS
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Pour passer tous ensemble un Joyeux Noël,
voici un pitchounet chant traditionnel recueilli par les "chercheurs d'or" de la Compagnie du Lamparo :
Chant traditionnel de Noël.mp3
Dans son album "Es Lo Titre", Lo Cor de la Plana chante merveilleusement la naissance de l'enfant Jésus :
Rédigé à 19:02 dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Il possède sa place et sa stèle à Marseille, les passionnés de langue d'oc le vénèrent et font vivre ses textes,
Victor Gélu est LE poète marseillais du 19ème, homme de coeur, révolté par la sauvagerie du capitalisme naissant, toujours proche des petites gens, du peuple marseillais.
L'Ostau dau Pais Marselhes lui rend hommage dans un album "Victor Gélu, Poèta dau pople marselhes".
En voici l'un des titres : Lo Gran Tamblament, signé Massilia Sound System
Dans leur dernier album, "Oai e Libertat ", les MSS reprennent "Lo Gran Tramblament".
Les paroles, avec traduction en français, sur le net : Massilia Sound System, le site
Rédigé à 08:52 dans Musique, Parler marseillais, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
J'y reviens souvent, à la poésie d'Arthur Rimbaud.
Je la relis et la réécoute avec à chaque fois, l'émerveillement de mes 17 ans...
Sensation.mp3
Poésies, lu par Gérard Desarthe, Gallimard
Rimbaud sur le net : Arthur Rimbaud
Rédigé à 00:00 dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Si comme moi vous êtes Beatles de toute éternité, allez donc faire un tour du côté de Moussu T e lei Jovents !
Les troubadours marseillais viennent de nous sortir un Dual Disc de toute beauté, INVENTE à LACIOTAT
où trône un pur diamant : Oplati Oplata.
Retrouvez Moussu T sut le net : Moussu T e lei Jovents, le site
Rédigé à 22:51 dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
A dix jours de l'anniversaire de Jésus, un conseil de cadeau sonore et trébuchant :
TANT DEMAN, c'est le dernier album du groupe de chanteurs polyphoniques marseillais Lo Cor de la Plana.
Le podcast que voici vous donne une petite idée de leur talent.
Tchatch'cast Lo Cor de la Plana.mp3
carnetdemarseille
Retrouvez Lo Cor de la Plana sur le net : Lo Cor de la Plana, le site
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Allez, à la demande générale (!!!) une deuxième nouvelle écrite à Marseille :
DU MIEL AU BOUT DES DOIGTS
Je baignais en plein “ Chloé meets Gershwin ” lorsque Lisa est venue me tendre un petit billet bleuté et parfumé en me chuchotant, la bouche tordue:
- “ Encore une cagole folle de toi, Oscar ! ”
Du regard, je lui ai montré le rebord du Steinway. Elle y a déposé le papier cacheté et s’est éloignée furieuse vers le comptoir du piano-bar.
Lisa c’est ma serveuse préférée. Une de ces métis sensas qui swingue et suce comme une Rolls. Douce et dingue mais peu docile. Idéal pour ne pas se lasser.
Trois mois que nous nous connaissons, depuis mon arrivée à la “ Vierge Dorée ”, la cave à jazz la plus en vue de Marseille.
Le premier soir, dès que je me suis installé au piano, j’ai senti ses yeux violets posés sur ma bouche, là, tout contre mes lèvres.
- “ Un petit Mojito senor Oscar ? “
Lisa me prend pour un émigré cubain. A cause de mon béret vert-olive, de ma peau mat et de mon faux air caribéen. Petite erreur de feeling mais je lui ai tout de suite pardonné. Le rhum et le citron vert la rendent très douce ma malgachine et si généreuse une fois notre journée terminée.
Je la trouve encore plus délicieuse depuis qu’elle vient me caresser les doigts lorsque je m’assieds à mon Steinway. Elle approche ses cils de mes joues et d’un sourire, me glisse qu’un petit massage ne me fera pas de mal.
- “ Ca va même vous porter bonheur, senor havanero ! “.
Lisa me parle souvent espagnol. Elle a des mains d’accoucheuse et le bout des doigts bombé comme un dé de couturier.
La tête contre son épaule, je me laisse masser de la paume aux ongles. Pour saupoudrer la valse de ses pouces, elle m’offre aussi un zeste de son souffle teinté de Cuba Libre . Je le savoure, silencieux et apaisé.
Le problème avec Lisa, c’est sa jalousie aiguisée comme un Laguiole.
Elle ne supporte pas que les clientes me tournent autour et m’invitent à prendre un verre après le service. Aussitôt, les larmes la possèdent et dès que la caisse est bouclée, elle file s’enfermer dans son studio. J’ai beau lui répéter à travers la porte que c’est elle ma gâtée, ma préférée, mon caramel, Lisa se met minable. Je ne dois pas être assez convaincant. Pourtant, un double whisky avec madame avant le dodo, je trouve qu’il n’y a pas mort d’homme, moi.
Ce soir pas de surprise, à la “ Vierge Dorée “, c’est Bysance. Mado, la patronne, fait carton plein à chaque fois. Vingt ans que la monnaie tinte sur le comptoir cuivré.
Plus une place dans la grande salle aux baies vitrées qui ouvrent sur le port. Peu de connaisseurs et beaucoup de m’as-tu-vu. Jeunes bourgeoises à lévrier, rombières emperruquées à collier marseillais, veuves éteintes au nez refait, encravatés liftés avec maîtresse, intellos de broussaille avec minot. Je me pince, mais non, ce n’est pas un mirage, il y a même des enfants autour des tables du fond. Tandis que les parents bavardent, ils dégustent leur glace trois boules en boudant ferme, le menton calé dans une main, la petite cuillère en équilibre dans l’autre. L’ennui dégouline de leurs faces proprettes de gosses de riches.
Discrètement, je leur tire la langue. Avachie à la caisse, près de l’entrée, Mado n’apprécie pas trop. Elle serre les mâchoires en me menaçant d’un index tremblottant. Du coup, je calme le jeu et je déroule sur mon clavier. Souple et doux. “ Little piece in C for U ”. Le swing boulègue et je cherche à deviner qui a bien pu me faire porter l’enveloppe bleutée.
Lisa n’a rien voulu me dire d’autre que “ tu perds rien pour attendre” avant de s’immerger dans ses courses aux trois “C” : caisse, clients, comptoir.
Scotché au clavier, j’ai beau mener ma ronde vers les fourrures et les sacs en croco, les turbans en feutre et les diamants, chou blanc.
Aucun sourire aux commissures. Aucun clin d’oeil coquin. Aucun rond de main qui pourrait revendiquer le billet, à la dérobée.
Encore deux heures avant la fermeture. J’ouvre la parenthèse et me plonge encore plus profond dans la danse des touches, juché sur mon perchoir de star.
Le Steinway trône sur une estrade bleu-nuit, au carrefour des deux allées ouvertes par la salle conçue en “T”. La patronne m’aurait bien niché dans un coin près du pupitre à tiroir-caisse, le dos tourné aux clients comme mon prédécesseur, mais d’entrée j’ai refusé. Une place centrale, j’ai exigé. Avec une petite piste de danse dessinée en cercle autour du piano.
- “ Vous vous prenez pour qui ? “, m’a lancé Mado très énervée.
- “ C’est à prendre ou à laisser, madame. Je ne jouerai pas confiné près du radiateur. J’ai passé l’âge du piquet, qu’est-ce que vous en pensez ? “.
Mado m’a montré la porte sans sourciller. Je lui ai dit au revoir sans un regard.
Une semaine plus tard, elle envoyait Lisa me déloger du “ Misty “, le piano-bar de mes débuts où je taquinais l’impro tous les matins.
A la “ Vierge Dorée “, Mado avait installé le piano au coeur du bar, encerclé d’une piste de danse en bois clair.
Mon show pouvait commencer.
Derrière mes Oakley argent, rien ne m’échappe. Je guette les rares sourires frais, j’épie les couples et m’amuse de leurs caresses contenues, de leurs disputes convenues. Parfois, je m’attriste des danseurs figés sur le parquet comme de la graisse froide. Le rythme les déserte. Ils se traînent à contre-temps, raides et pourtant si volontaires, si appliqués. Pathétiques pantins.
De temps en temps, j’observe le manège discret des sachets blancs échangés sous les tables contre des billets.
Ce soir, un dealer à costume vert s’agite dur entre le téléphone et le bar. Je ne le connais pas, ce marchand de cauchemar. Pourtant, j’en ai vu défiler en trois mois des petits vendeurs. Mado les tolère forcément. Ils tournent tous au champagne, à l’armagnac ou au Daiquiri.
Les plus assurés tombent leurs lunettes noires et s’ajustent le trois-pièces aux fenêtres du piano-bar, aimantés par leur reflet. Les plus inquiets ne s’asseoient jamais. Ils s’autorisent une pause éclair près du piano avant de s’en retourner au sauvage danger des rues abandonnées.
La “ Vierge Dorée “ est une escale fragile et calme qui brille pour tous et pour chacun. Même pour ces minots déjà centenaires tant ils promènent de poids aux épaules et de gris aux paupières.
Lisa ne les supporte pas, ne leur parle pas, ne les sert pas. Lisa les expulserait si elle s’écoutait.
Mais ce soir, ma malgachine a la tête ailleurs.
Elle surveille la pendule et m’ignore depuis l’engatse du billet. Même le tempo de mon “ Love you madly ”, à l’instant, ne l’a pas happée de son indifférence.
J’ai bien tenté de l’arraisonner en improvisant un “ Lover Man “ vigoureux façon Petrucciani, Lisa ne s’est pas déroutée de ce fil ténu et tendu qui la soutient pendant des heures du comptoir aux tables et des tables au percolateur. J’ai eu envie de ses lèvres et de ses dents contre mes mains.
Lorsque la petite aiguille s’est effacée au creux de la grande, je l’ai aperçue au pied du porte-manteaux, en grande discussion avec Mado. Ensuite, Lisa s’est enroulé les cheveux dans son keffieh et elle a filé sans se retourner.
“ Vous avez du miel au bout des doigts. Venez me rejoindre au Régent. Je vous attendrai chambre cent. “
A peine envolé le dernier morceau de la soirée, “ I didn’t Know about you “ - c’est toujours avec Monk que je prends congé - je décachète le billet bleuté. L’écriture est souple et délicate, mystérieuse et assurée. L’inconnue n’a laissé ni signature ni prénom mais ses derniers mots sonnent comme un aveu : “ Ne vous éternisez pas après Thelonius... “.
La gourmande est une habituée du piano-bar. Dans moins de dix minutes, je saurai si mes doigts ne tremblent pas.
Du brouillard sur les quais délaissés et au pied des grues rouillées. Sur le Chemin de la Vigie, je longe les ateliers éventrés, vidés de leurs machines. J’avance en terrain de connivence. Quinze ans à réparer les bateaux, ça donne quelques repères. Il y a plus pittoresque mais je déteste les cartes postales. Il y a plus court aussi jusqu’au Régent mais c’est le trajet que je préfère. Parce que le port est devenu un vestige à peine tiède, décoloré, presque anesthésié.
Vite, profiter encore un peu des hangars gris, longer les entrepôts au bord de l’eau, se laisser bouger par les courants d’air, deviner près des filins le cri des voix anéanties. Surtout, peser chacun de ses pas sur ce domaine massacré.
Car les nouveaux conquérants débarquent et s’installent et rêvent à voix haute de fortune en bord de mer. Accent pointu, costumes larges, attaché-case, anglais courant souhaité. Des casinos et des bureaux à la place des bateaux. Par milliers de mètres carrés. Les plans sont déjà prêts. Plans sociaux et plans fonciers. Un troisième millénaire pépère s’avance au rythme du dollar et des croisières.
A la lisière du Marseille encore intact, le Régent pointe vers le ciel ses trois étoiles. Larges fenêtres et balcons à la vénitienne. Pas de groom à l’entrée, il est trop tard. Pas de Luis non plus. D’habitude le veilleur m’accueille en baillant dans le hall devant sa télé. Là, il a dû monter aux étages faire sa ronde.
Ce soir, je ne prends pas l’ascenseur. La cent est au premier, juste en arrivant sur le palier. L’inconnue a laissé la porte entrouverte et a mis de la musique, valse et jazz mêlés.“ Romantic but not blue “ , un de mes morceaux préférés.
A peine à l’intérieur de la chambre, une ombre se jette sur moi et me cogne ferme à la tête. Je hurle et je m’éboule face à la baie vitrée entrebaillée.
Avant de m’évanouir, j’aperçois Lisa allongée les jambes offertes.
Les mains dans les cheveux, elle ordonne : - “ Viens vite mon Luis, viens me donner ton miel ! “.
Lorsque j’ai rouvert les yeux, il faisait jour mais je n’ai vu que du rouge, enfin un peu de blanc aussi, le blanc de mes doigts tranchés éparpillés sur la moquette.
Plus de piano dans l’air, rien que le rire acide des mouettes.
Eric SCHULTHESS
Rédigé à 15:39 dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Au printemps dernier, je suis allé à Shanghai, rendre visite à ma fille aînée Noémie,
qui est devenue maman d'un petit Zirong, le 25 avril.
J'en ai profité pour partir à la découverte des Chinois, comme ce couple passionné de danse latino.
Je leur ai consacré un épisode de podcast que voici
Rédigé à 23:12 dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)